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Robert Parker contre Romanée-Conti contre Penfolds Grange

Le destin des innovateurs est tortueux, et celui des challengers est cahoteux.

Lorsque Robert Parker, « l'empereur du vin », était au pouvoir, la tendance dominante dans le monde du vin était de produire des vins élevés en fûts de chêne, au goût prononcé, aux arômes plus fruités et à la teneur en alcool plus élevée, ce qui lui plaisait. Parce que ce type de vin correspond aux valeurs dominantes de l'industrie vinicole, il est particulièrement facile de remporter des prix lors de divers concours. Parker incarne la tendance du secteur vinicole, proposant un style riche et sans retenue.

Ce type de vin était peut-être le style préféré de Parker, d'où le surnom donné à cette époque à son nom. Parker était alors un véritable empereur du vin. Il avait droit de vie et de mort sur le vin. Du moment qu'il ouvrait la bouche, il pouvait directement rehausser la réputation d'un domaine viticole. Le style qu'il appréciait était celui que les domaines se disputaient.

Mais il y a toujours des gens qui veulent résister, qui restent en marge des courants dominants et qui s'en tiennent à la tradition héritée de leurs ancêtres sans suivre la tendance, même si le vin qu'ils produisent ne peut être vendu à un prix élevé ; ce sont ceux qui « veulent produire du bon vin du fond du cœur ». Les propriétaires de châteaux sont des innovateurs et des challengers face aux valeurs actuelles du vin.

Certains d'entre eux sont propriétaires de domaines viticoles et ne suivent que la tradition : je ferai comme mon grand-père. Par exemple, la Bourgogne a toujours produit des vins élégants et complexes. Le Romanée-Conti typique est synonyme de vins élégants et délicats. Style millésimé.

Certains d'entre eux sont des propriétaires de caves qui sont audacieux et innovants, et ne s'en tiennent pas au dogme précédent : par exemple, lors de la fabrication du vin, ils insistent pour ne pas utiliser de levure commerciale, mais uniquement de la levure traditionnelle, ce qui est typique de certains grands domaines viticoles célèbres de la Rioja, en Espagne ; même si un tel vin aura un goût "désagréable", mais la complexité et la qualité s'élèveront à un niveau supérieur ;

Ils ont également des adversaires aux règles actuelles, comme le roi du vin australien et brasseur de Penfolds Grange, Max Schubert. De retour en Australie après avoir appris les techniques de vinification à Bordeaux, il était convaincu que la Syrah australienne pouvait également développer des arômes de vieillissement avancés et présenter des qualités extraordinaires après vieillissement.

Lorsqu'il brassa pour la première fois le Grange, il fut la cible de moqueries encore plus méprisantes, et même le domaine lui ordonna d'arrêter de brasser le Grange. Mais Schubert croyait au pouvoir du temps. Il ne suivit pas la décision du domaine, mais produisit, brassa et fit vieillir lui-même son vin en secret, puis laissa le reste au temps. Dans les années 1960, enfin, Grange prouva le fort potentiel de vieillissement des vins australiens, et l'Australie eut son propre roi du vin.

Grange représente un style de vin anti-traditionnel, rebelle et non dogmatique.

Les gens peuvent applaudir les innovateurs, mais peu de gens les paient.

L'innovation dans le domaine du vin est plus complexe. Par exemple, la méthode de cueillette des raisins est-elle manuelle ou mécanique ? Le pressurage du jus de raisin est-il effectué avec les rafles ou par pressurage doux ? L'utilisation de levures est un autre exemple. La plupart des gens admettent que les levures indigènes (aucune autre levure n'est ajoutée lors de la vinification, et les levures présentes dans le raisin fermentent) peuvent produire des arômes plus complexes et changeants, mais les caves sont soumises à la pression du marché. Il a donc fallu envisager des levures commerciales permettant de maintenir un style de vinification cohérent.

La plupart des gens ne pensent qu’aux avantages de la cueillette manuelle, mais ne veulent pas payer pour cela.

Pour aller plus loin, nous sommes dans l'ère post-Parker (depuis son départ à la retraite), et de plus en plus de domaines commencent à réfléchir à leurs anciennes stratégies de vinification. Au final, devrions-nous brasser le style corsé et débridé de la « tendance » du marché, ou plutôt un style de vin plus élégant et délicat, ou encore un style innovant et plus imaginatif ?

La région de l'Oregon, aux États-Unis, a apporté la réponse. On y brassait un pinot noir aussi élégant et délicat que le Bourgogne français ; Hawke's Bay, en Nouvelle-Zélande, a apporté la réponse. On y brassait également du pinot noir dans la Nouvelle-Zélande, un cru sous-estimé, le style bordelais du premier cru.

Le « Château classé » de Hawke's Bay, j'écrirai un article spécial sur la Nouvelle-Zélande plus tard.

Dans le sud des Pyrénées européennes, dans un lieu appelé Rioja, il y a aussi une cave qui a donné la réponse :

Les vins espagnols donnent l'impression d'avoir été élevés en fûts de chêne à de nombreuses reprises. Si 6 mois ne suffisent pas, ce sera 12 mois, et si 12 mois ne suffisent pas, ce sera 18 mois, car les locaux apprécient l'arôme prononcé apporté par un vieillissement plus long.

Mais il existe un domaine qui refuse. Il a élaboré un vin que l'on comprend à la dégustation. Il présente des arômes fruités frais et éclatants, un parfum plus riche. Un vin traditionnel.

Il se distingue des vins rouges simples et fruités du Nouveau Monde, mais s'apparente au style pur, riche et impressionnant de la Nouvelle-Zélande. Si je devais le décrire en deux mots, ce serait « pur », avec des arômes et une finale très nets.

C'est un Rioja Tempranillo plein de rébellion et de surprise.

Il a fallu 20 ans à l'Association néo-zélandaise des vins pour définir son langage promotionnel : « Pure », qui désigne un style, une philosophie de vinification et l'attitude de tous les domaines viticoles néo-zélandais. Je trouve qu'il s'agit d'un vin espagnol très « pur » avec une attitude néo-zélandaise.

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Date de publication : 24 mai 2023